Coqueret Hervé

Résidence au Japon

novembre 2006

« L'intitulé du projet était un peu flou et le demeure encore : je partais pour un séjour d'échanges et de rencontres. J'avais l'habitude de partir pour des résidences d'artistes et cette fois on m'enlevait le cadre, les quatre murs de la résidence pour être mobile. Malgré tout, c'est cette légère idée de danger sur un territoire loin et inconnu qui m'a vraiment poussé à partir. Des questions aussi futiles qu'importantes sur l'idée de projet ou le statut d'artiste voyageur.

D’un voyage peut-on aboutir à un projet ? Voyager ne m'éloigne-t-il pas de mes véritables recherches ? Est-ce que je peux facilement m'adapter et changer mon travail ? Où est vraiment mon atelier ?

En 2006, je me préparais à écrire et à réaliser mon premier court métrage. À l'idée de ce voyage, se mêlait celle de tomber dans un film, une fiction et d'en écrire peut être le scénario pendant mon séjour. Je verrai bien. J’ai séjourné à Tokyo puis dans le Kansai, où j’ai rencontré le collectif KUKI qui s'attache à faire des performances dans une sorte d'urgence et de rapidité, dans un rapport quotidien et immédiat à la création. Finalement tout le contraire de ma pratique qui consiste (d'un certain point de vue) à prendre le temps. J'ai encore beaucoup d'admiration pour eux et je retiens l'observation et la compréhension réciproques que nous avons eu de nous mêmes et de nos pratiques artistiques. J’ai rencontré alors, des artistes préoccupés, dans un rapport d'urgence à l'art et détachés de l'idée de marché. Un soir, j'étais invité dans un restaurant, à "faire une pièce" en direct. Je présentais des objets peints en blanc à l'aérosol, que j'avais tenté d’effacer dans un acte poétique lié à ma situation d'étranger. Pour le coup, ces rencontres et ces situations m'amenaient à travailler autrement.

Du Japon, j’ai ramené beaucoup d’images que j'ai utilisées depuis dans des installations ou diverses publications. Je n’ai jamais refait de performances aussi spontanées que là bas. Mais je repense souvent aux situations instables et extraordinaires du voyage et du voyageur ; ainsi qu’à cette urgence de la création, quand je suis invité dans des écoles d'art à faire des workshops avec des étudiants, ou quand je suis réalisateur, sur le tournage d'un film. C'est être en direct en quelque sorte. Être présent et vraiment là.»

Extrait d'un entretien avec Hervé Coqueret sur sa résidence au Japon, 2015