Jim Buckley, Cathy Wilkes et Edward Stewart
L'imaginaire irlandais
4 – 19 mai 1996
Comment l’artiste peut-il intervenir dans la ville ? Quelle place reste-t-il dans un environnement saturé d’images et surchargé d’objets ? Jim Buckley se donne pour objectif d’attirer l’attention sur des aspects ordinaires du monde et de les transformer momentanément.
Cet autre regard sur notre quotidien, il l'a provoqué par son intervention dans vingt-et-une cabines téléphoniques du centre ville. Au crépuscule, ces édifices intriguent le passant, grâce à une modification de leur éclairage qui les fait émerger du paysage urbain. A la place de l'austérité du néon, il a placé un filtre donnant une couleur mauve dans la cabine, une atmosphère plus propice à la communication. L’artiste prouve que la banalité peut se muer en mystère, avec un brin de magie.
Si Jim Buckley intervient à l’échelle de la ville, Cathy Wilkes, quant à elle, opère sur un plan plus intime. Elle a réalisé une série de pièces de petites dimensions, - certaines n’ont que cinq millimètres de large – dont l’échelle nous échappe. Le rythme de l’accrochage, la cadence de ces treize peintures-sculptures sont donnés par l’alternance ou le couplage des couleurs et des formes. Le choix déterminé des couleurs et la seule ligne horizontale de ces quelques monochromes tridimensionnels, ces grid paintings, sont incontestablement un clin d’œil à l’histoire de la peinture abstraite, nous renvoyant à d’autres compositions.
Il ne s’agit que d’une entrée en matière puisque Cathy Wilkes nous incite à nous approcher au plus près de son univers. A cette étude de surface et de forme, s’ajoute celle de la texture. Ainsi se dévoilent d’autres surfaces. Chacun des tableaux révèle un véritable microcosme, un foisonnement d’"épingles" de couleur serrées les unes contre les autres, un ensemble compact et vibrant. Le geste de l’accrochage reflète la dynamique du processus de réalisation, de la propulsion énergique de cette peinture à l’huile jaillissant directement de la surface du mur. Le manque de support, ce défi à la peinture traditionnelle, nous oblige à voir ces excroissances fascinantes sous tous les angles ; à les contourner, à explorer leurs différentes faces. De près, la notion d’échelle se modifie et ces "tableaux" s’ouvrent sur un espace à trois dimensions.
Avec la mise en scène de performances filmées, Edward Stewart, quant à lui, s’interroge et nous interroge sur les limites du corps et explore un territoire de possibilités et d’expériences. Il ne résiste pas, comme d’autres avant lui, au défi d’affronter le vide, de s’y jeter... Une première vidéo montrant une série continue de sauts témoigne de la résurrection perpétuelle de l’artiste.
À Lille, lorsqu’il est suspendu au pont qui relie les deux gares, à douze mètres de haut, il défie encore la loi de Newton, provoquant un suspense intolérable... Il connaît notre fascination, notre goût pour la peur. Il ne s'agit pas d'un photomontage à la Yves Klein, mais d'un film-vidéo, le témoignage de l’acte suicidaire dans une ambiance de fait-divers sur bruit de fond d’autoroute. Mais le saut n’aura pas lieu - puisque Edward Stewart joue, s’amuse avec l'immatérialité du vide.

Lieu: centre-ville de Lille et artconnexion
Soutiens: France Telecom - Direction régionale de Lille, Imaginaire Irlandais-Dublin, AFAA, The British Council